Une situation malheureusement pas banale en entreprise…
Vous assistez régulièrement à des réunions ou autres comités de revue de projets, en présence de votre management, codir… Et parfois, l’attitude de l’un des top managers présents vous choque profondément. Autoritaire, agressif ou irrespectueux (voire vulgaire) dans la façon dont il s’adresse à celui qui présente :
“Passe à la slide suivante. Non, reviens, je n’ai pas vu. Qu’est-ce que vous avez foutu ? Je ne vais pas faire votre travail à votre place ? Vous êtes nuls !…”.
Lorsque vous êtes là, sans être le principal visé par les remarques, cela vous écœure et vous révolte tout de même. Vous vous dites : “Quel manque de respect… Heureusement que ce n’est pas à moi qu’il s’adresse. Ce sont des pratiques préhistoriques…”.
Ces approches ne sont plus tolérables pour les jeunes générations (et même pour les moins jeunes). Même vous, cela ne vous donnerait aucune envie de collaborer avec ce type de personnages. Pourtant, on en voit à certains niveaux de responsabilité dans l’entreprise.
VOUS ? Vous avez à cœur de devenir un leader bienveillant, motivant et engageant avec ceux qui travaillent avec vous… Et vous savez que c’est vous qui allez ramer après pour les remotiver. Vous sentez le décalage entre les valeurs et initiatives communiquées en grande pompe dans l’entreprise (« remettre l’humain au centre », « faire preuve de bienveillance », etc…) et les comportements de ceux qui sont censés montrer l’exemple.
De la honte ? De la colère ? Du dégoût ? Vos émotions et ces ressentis dans votre corps vous alertent que ce que VOUS considérez comme important n’est pas respecté. Vos valeurs sont tournées vers le challenge, oui, mais aussi le sens du collectif (réussir avec les autres, les motiver sans “forcer” dans la mesure du possible), l’humilité et le respect.
Alors comment “gérer” ces situations auxquelles vous serez sûrement confronté à nouveau ? Pas de fatalité, voici quelques idées pour agir
1. Formuler un feedback à ce manager…
Pour faire évoluer les comportements, vous avez un rôle significatif dans cette entreprise, vous avez un impact et le pouvoir d’initier des changements. Cela passe par le fait d’incarner les valeurs auxquelles vous croyez et d’affirmer votre style, tout en tenant compte de votre environnement actuel. Cela passe par le fait d’exprimer ce qui vous choque et ce que votre vision du leadership pour faire évoluer les mentalités. Prenez votre place, affirmez votre style.
Comment ? Pour vous, si c’est important de ménager les autres et préserver la relation, il y a une approche intéressante à explorer : la communication non violente (CNV).
Celle-ci permet de s’exprimer de façon assertive sans que l’autre ne se sente agressé. Il s’agit de formatter votre message en 4 phases, en utilisant “Je” (et pas “tu” qui peut mettre l’autre sur la défensive, en se sentant visé) : OSBD (Observation, Sentiment, Besoin, Demandes).
- Phase 1 > Vos Observations (“irréfutables”). Ex : “j’ai assisté au comité d’hier durant lequel je t’ai entendu dire “vous êtes nuls” aux équipes.
- Phase 2 > Vos Sentiments (Ressentis & Emotions). Ex : “je me suis senti gêné, j’étais mal à l’aise par rapport à ces propos, même si je comprends que la présentation n’ait été assez détaillée sur telle partie”. A place de “gêné”, vous pouvez utiliser : « frustré », « en colère », « j’ai eu peur », si vous êtes à l’aise avec ces termes. Dans mes accompagnements, je constate que certains préfèrent ne pas employer ces termes et sont plus à l’aise avec des termes “plus neutres”, comme “gêné” ou “mal à l’aise”.
- Phase 3 > Vos Besoins. Ex : “C’est important pour moi de pouvoir m’appuyer sur une équipe engagée qui ose prendre des initiatives et qui voit que le management les soutienne et reste bienveillant dans ses propos, même en cas d’erreur.”
- Phase 4 > Votre Demande. Ex : “La prochaine fois, pourras-tu stp utiliser d’autres termes à leur égard ? (plutôt que d’utiliser “nuls”). Une façon plus “soft” et engageante (= posture coach) à envisager également : “qu’en penses-tu ?” et laisser l’autre cheminer et proposer une autre façon de faire.
Un des sujets qui revient le plus souvent dans l’accompagnement de managers (à tous niveaux de l’organisation) est le fait de faire un feedback “négatif” ou “constructif” comme ils l’appellent.
Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un feedback qui nous semble difficile ou désagréable à recevoir si on était l’autre. Je constate même que plus on monte dans l’organisation, moins on ose dénoncer des comportements qui n’ont pas lieu d’être. Peur des conséquences, peur de blesser l’autre… A force, il n’y a plus de prise d’initiatives et “pour vivre mieux, vivons cachés”.
La CNV peut alors être une approche intéressante pour affirmer son point de vue en toute assertivité, tout en évitant de mettre de l’huile sur le feu.
2. Appliquer quelques conseils pratiques
Dans le feu de l’action, il y a l’effet de surprise, la peur ou la colère qui peut laisser sans voix. Qu’à cela ne tienne, il est possible de déminer un certain nombre de situations à risques en agissant avant et/ou après, surtout si vous connaissez les personnalités (fortes) des protagonistes.
- Avant la présentation, si c’est vous ou quelqu’un de votre équipe qui passez devant ce manager, préparez le terrain en partageant “en off” vos principales idées et/ou votre support. Demandez-lui un premier avis sur votre proposition, ce qu’il veut aborder d’autres et comment (surtout si c’est la première fois que vous allez présenter devant lui). Un des CEOs que j’ai côtoyé regarde systématiquement tous les supports de réunions la veille. Si vous avez un retour avant la réunion, essayer d’intégrer ses commentaires dans le support ou à l’oral à minima le Jour J.
- Identifiez la personne qui vous apportera du soutien si vous vous faites allumer en public (généralement votre N+1 peut intervenir pour apaiser les échanges). Pas toujours évident de rester calme quand on a l’impression d’être humilié devant les autres et de ne pas réagir à chaud. Un senior manager que j’accompagne qui a rencontré la situation m’a partagé qu’il en a eu les larmes aux yeux. Anticipez et demandez à cette personne qui vous soutient d’intervenir pour que vous puissiez vous exprimer tous les deux au nom de l’équipe.
- Si vous ne vous sentez pas à l’aise pour vous adresser à ce manager au sujet de ses comportements, partagez votre inconfort, parlez-en, et recherchez des idées pour avancer avec quelqu’un de confiance (RH?).
En conclusion…
Alors oui… Il peut arriver que des tops managers ne montrent pas l’exemple en terme d’approche bienveillante envers les équipes. Ce n’est pas une fatalité.
Vous pouvez saisir l’opportunité que représentent ces situations “désagréables” pour mieux prendre votre place : incarner un style de leadership authentique et aligné avec vos valeurs.
Il s’agit de faire preuve de courage managérial : manager aujourd’hui, vous avez un rôle important pour faire évoluer la culture et les pratiques au sein de l’entreprise. Vos actes et comportements sont également modélisants pour ceux qui vous entourent, pour vos équipes, vos pairs, vos clients internes, mais aussi pour le top management. Pour vous en convaincre, il est assez commun de voir, dans le modèle de leadership des grands groupes, parmi les compétences attendues des top managers : le courage.
D’autres façons que la méthode “forte” existent lorsqu’on s’adresse aux équipes, mais l’idée principale réside dans le fait de savoir exprimer ouvertement ses convictions y compris en cas de désaccords, de s’exposer personnellement, d’oser challenger le statut quo, ou de prendre des risques.
Le point important pour vous est de trouver la façon la plus juste, la plus pertinente de le faire, en tenant compte de qui vous êtes et de votre situation spécifique.
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A très vite!